• La perception du relief

    Dans la vie de tous les jours, nous avons la chance de pouvoir apprécier la profondeur des objets qui nous entourent. Cette perception de la profondeur repose sur notre vision binoculaire.

    La vision binoculaire, ou stéréovision, est l'aptitude à utiliser ses deux yeux alternativement ou simultanément de manière à ce que chaque image contribue à la perception finale. Elle est reconnue pour avoir trois degrés: la perception monoculaire simultanée, la fusion et la stéréoscopie.

Schéma illustratif de la vision stéréoscopique

 

    On verra que l’importance d’une vision binoculaire ou stéréoscopique, avec deux yeux, pour percevoir la profondeur et apprécier les distances n‘est pas négligeable. Néanmoins, les borgnes possèdent eux aussi la notion de relief. Il existe donc divers phénomènes apportant à un seul œil des informations sur la profondeur. Quels sont-ils ?

    Tout d’abord, l’organe de base de la vision est l’œil. Comme nous l'avons déjà vu dans les parties précédentes, il comporte un ensemble d’éléments destinés à recueillir les informations extérieures (rayonnement de la lumière provenant des objets perçus), à traiter ces informations et à les organiser sous forme de messages nerveux afin d’être transmis au cerveau.

    De ce fait, il permet grâce à de nombreux indices d’évaluer la distance à laquelle se trouve un objet. Ces facteurs se classent en deux catégories: les facteurs binoculaires et les facteurs monoculaires.

 

Des facteurs monoculaires

 

    Le premier de ces facteurs est la perspective géométrique. En effet, grâce à la convergence des lignes parallèles à l'infini, l’observateur peut tirer des renseignements sur la profondeur. Par exemple, si l’on voit qu’au loin la largeur d'une route diminue, on saura immédiatement que la route s'éloigne de nous. De même lorsque des rails de chemin de fer convergent au loin, nous utilisons cette perspective pour estimer l'éloignement.

 

    Une autre information précieuse peut être apportée par la visibilité sur un objet. Si deux objets se superposent, l’objet masqué sera celui le plus éloigné. Dans cet exemple, demandez-vous quelles sont les positions relatives des objets jaune et rouge :

 

    Vous répondrez certainement (et à juste titre) que le jaune est devant le rouge car la surface rouge semble masquée par la jaune. Ceci n'est pas une méthode de perception du relief proprement dite, c'est plutôt une aide à la perception du relief. Il faut toutefois la prendre en compte car si tous les éléments sont présents pour donner une impression de relief sauf celui-ci, le relief risque d'être altéré.

 

    Aussi, la taille d'un objet facilite aussi la prise de renseignements sur son éloignement. En effet, si nous percevons deux silhouettes du même objet ne différant que par leur taille, nous savons que la plus éloignée sera celle qui paraitra la plus petite.

 

    L'alternance entre zones éclairées et des zones d’ombre aide à la perception de la position d'un objet par rapport à une source lumineuse. En effet, l’ombre est un élément très important dans la perception de la profondeur. Par exemple, sur une surface éclairée du dessus, une bosse apparaît plus brillante et un creux plus sombre. De ce fait, l'existence des zones ombrées et des zones éclairées facilite la représentation des formes à trois dimensions à partir d'une image plane.

 

    Enfin, le dernier de ces facteurs est l'accomodation, phénomène naturel se produisant à chaque que l'on regarde quelque chose. Il est défini comme étant le changement de la forme du cristallin permettant de mettre au point les images sur la rétine, c'est à dire les rendre nettes. La forme de votre cristallin dépend de la distance de l'objet que vous regardez et cette épaisseur peut donc être interprétée en terme de profondeur. Mais cette méthode d'appréciation du relief est très peu précise. Pour vous en convaincre, tentez l'expérience suivante :

 

    Expérience : Fermez un oeil et tentez de lâcher un petit objet dans un verre, sans toucher le bord du verre. La tache s'avère très difficile car vous aurez du mal à avoir une idée de la distance du verre. Avec les deux yeux ouverts, il est aisé de lâcher l'objet dans le verre (si vous avez une bonne vision aux deux yeux).

 

    Il semble donc que nos deux yeux soient nécessaires à une bonne perception du relief. On peut alors se demander par quel mécanisme une vision binoculaire (à deux yeux) permet une bonne perception du relief.

 

Des facteurs binoculaires

    Au IIIème siècle avant J-C, le mathématicien grec Euclide définit le principe du relief :

" Voir le relief, c'est recevoir, au moyen de chaque oeil, l'impression simultanée de deux images dissemblables du même objet"

 

    En effet, un corps humain normalement constitué possède deux yeux écartés de 6,5cm. Si vous essayez de fixer avec vos yeux un objet situé à quelques centimètres de vous et que vous alternez votre vision avec votre œil droit puis votre œil gauche, vous remarquerez que l’objet semble avoir bougé. Cette impression vient du fait que nos yeux perçoivent deux images légèrement différentes, et nous perçevons donc la même scène sous deux angles différents. Ces deux images sont fusionnées par notre cerveau grâce un processus neuronal complexe encore inconnu de nos jours et nous donne la sensation de profondeur.

Sur ce shéma, on voit bien le principe de la vision stéréoscopique: les deux yeux perçoivent deux images décalées du même objet et le cerveau les fusionne afin de reconstituer le relief.

    Si vous n'en êtes pas convaincu, faites l'expérience suivante :

    Expérience : Fermez un oeil et placez l'un de vos doigts devant votre visage, pour qu'il cache la bande rouge ci-dessus. Ouvrez alors votre oeil fermé et fermez l'autre simultanément. Votre doigt ne cachera plus la ligne rouge. Chaque oeil occupe une place légèrement différente sur notre visage, leurs deux champs de vision se superposent mais sont différents.

 

    Notre cerveau reçoit donc deux images d'une même scène, mais d'un angle différent, et les assemble. C'est en assemblant ces deux images que notre cerveau crée une perception du monde en trois dimensions.

 

    Le processus de la convergence est un facteur permettant d’évaluer la distance. En effet, lorsqu'un objet se déplace en se rapprochant ou en s'éloignant, il ne peut être vu en vision binoculaire que si les deux axes visuels convergent  d'une quantité adéquate.

    Sur ce schéma, on voit bien que les 2 yeux convergent de façon à ce l'objet soit vu en vision binoculaire. Le cerveau reçoit alors les deux images décalées du même objet et les fusionne afin de reconstituer le relief.

    Toutefois, notre vision en relief dépend majoritairement du phénomène de parallaxe : cette notion renferme en effet la quasi-totalité du mécanisme nécessaire à notre vision en 3 dimensions. La parallaxe est l'incidence du changement de position de l'observateur sur l'objet observé. Nos yeux ne se trouvent pas à la même place sur notre visage, ils sont en moyenne espacés de 6.5 cm. Étant espacée ainsi, la direction du regard de chacun de vos yeux converge  ( NB: la parallaxe est étroitement liée au phénomène de convergence binoculaire) vers l'objet que vous fixez, comme l'explique le schéma ci-dessous :

   En gris, ce qui est commun aux 2 yeux

 

    Le secret de la vision en relief demeure dans le fait que l'angle formé par les directions convergentes de nos deux regards varie en fonction de la distance de l'objet. En effet, plus nous regardons un objet éloigné, plus l'angle de parallaxe est aigu. Le cerveau interprète cet angle en terme de distance à notre oeil. Ce sont les distances relatives des objets que nous regardons, qui nous permettent de savoir s'ils sont placés dans un même plan ou non, qui nous permettent de percevoir le relief.

    Nous avons ensuite recours aux mathématiques pour trouver une relation liant la distance de l'objet regardé et l'angle de parallaxe, afin de comprendre comment il évolue. Servons-nous alors du schéma suivant réalisé grâce au logiciel Geogebra :

    Nous cherchons à établir une relation entre la distance objet regardé-observateur ( ici notée x ) et l'angle de parallaxe ( α représentant ici le demi-angle de parallaxe). L'écartement moyen des 2 yeux étant de 6,5cm, la longueur AB de 3,25cm correspond à la moitié de cette distance inter-pupillaire.

    Nous avons alors :

    Dans le triangle ABC rectangle en A : tan(α)= AB/AC

                                                                          = 3.25/x

                                                             D' où  α = arctan(3.25/x)

    α représentant le demi-angle de parallaxe, nous avons ainsi l'angle de parallaxe                                                                    α' = 2arctan(3.25/x).

    Cette dernière équation nous permet d'obtenir la courbe suivante : 

Cliquer ici pour avoir l'image en plus grand -->Parallaxe.gif (2,8 MB)

    Sur ce graphe animé, encore une fois réalisé avec Geogebra, l'axe des abscisses représente la distance en centimètre séparant l'objet observé de l'observateur ( l'évolution du point A associé au curseur α symbolise le rapprochement ou l'éloignement de l'objet ) et l'axe des ordonnées la mesure de l'angle de parallaxe. Cette mesure se fait en radian et non en degré: en radian, π correspond à 180°. On comprend alors pourquoi la mesure de l'angle de parallaxe ne va pas au-delà de π, à moins d'être capable de voir dans son dos !

En regardant cette courbe, on constate deux choses : 
- l'angle de parallaxe est bien de plus en plus petit à mesure que l'objet est éloigné
- On remarque aussi que plus l'objet est proche, plus l'angle augmente vite; ainsi, il change autant quand on regarde un objet situé à 26 puis à 10 centimètres que lorsque l'on regarde un objet situé à 3 puis à 2 centimètres.

 

    Voilà deux exemples de couples d'images stéréoscopiques (ou stéréogrammes) animés afin d'illuster le fait que notre vision binoculaire permet la perception du relief.

 

 

 

 

 

    Ces deux animations sont composées chacune de deux images stéréoscopiques (c'est à dire deux images de la même scène prises sous un angle différent avec un décalage de 6,5 cm, soit la distance moyenne séparant nos deux yeux) qui se superposent successivement. La fréquence de superposition des images est faible pour bien visualiser la succession des images gauche et droite. On a alors bien l'impression de relief en observant ces deux animations.

 

    Nous allons maintenant nous intéresser aux différents procédés utilisés au cinéma pour reconstituer la 3D.

 

II/ Les procédés de la 3D